jeudi 28 octobre 2010

La Lune Passionnée


La pleine Lune est à l’image de la femme accomplie et féconde, tout comme la nouvelle Lune symbolisait la jeune vierge. À ce titre, la pleine Lune peut-être associée à toutes les déesses mythologiques de l’Amour; Ishtar, Astarté, Aphrodite ou Vénus, le plus souvent représentées sous formes de femmes érotiques et à la beauté fatale, objets éternels de séduction et de fascination pour les hommes.

Cette fascination érotique pour la Lune se retrouve notamment dans l’art pictural. Ainsi, dans les miniatures érotiques persanes et indiennes du Ve siècle, comme dans les estampes japonaises des XVIIIe et XIXe siècles, les ébats des amants ou la beauté irréelle des courtisanes sont très souvent éclairées par le regard complice de la Lune, parée de qualités esthétiques et aphrodisiaques.

Les déesses lunaires de l’Amour sont infiniment belles et désirables, mais elles demeurent lointaines et inaccessibles, comme l’est la Lune dans le ciel. À ce titre, elles symbolisent souvent l’Amour platonique d’un homme pour une femme. La Lune d’amour devient alors Dame à la Licorne, vierge féconde dont l’amour passionnel est transcendé par une forme d’ascèse et de spiritualité. On peut songer à l’amour chaste et spirituel de Saint-François d’Assise pour Sainte-Claire, ou encore à l’amour désincarné de Dante Aligheri pour Béatrice Portinari.

Aux antithèses de cet amour pur et virginal, la Lune d’Amour peut aussi évoquer les passions fatales et tourmentées de César et Cléopâtre, Roméo et Juliette, Tannhäuser et Vénus ou Tristan et Iseult. Cette diabolisation de la passion amoureuse n’apparaît qu’aux époques marquées par le poids des préjugés et de la religion, accentué par la peur teintée de fascination trouble de tout ce qui touche au sexe. Dans les versions celtiques primitives du mythe de Tristan, Iseult n’est pas réduite au rôle d’épouse infidèle, mais incarne l’archétype de la femme solaire chère aux Celtes, libre et radieuse, magicienne et guérisseuse, qui soigne, guérit et redonne la vie à un Tristan mourant de ‘’tristesse’’ (d’où son nom) lorsqu’il est séparé trop longtemps de sa belle,, tout comme la Lune s’éteint lorsque le Soleil ne l’éclaire plus. L’association de la Lune avec l’amour passionnel et charnel, a de tous les temps inspiré les artistes (poètes, musiciens, peintres). Si la ‘’Sonate au clair de Lune’’ de Beethoven suggère un monde émotionnel teinté de nostalgie et de mélancolie, le duo d’amour qui se trouve au cœur du deuxième acte de l’opéra de Wagner ‘’Tristan et Isolde’’, exalte la fièvre d’une passion amoureuse dévorante et sublime, où les corps, le cœur et l’âme des amants, ne font plus qu’un sous le regard complice d’une nuit qui, pour repousser l’instant de la séparation, obtient du jour, qu’il retarde le moment de son lever…

Chez les peintres anglais de l’époque victorienne, cette association entre la Lune et l’amour vénéneux prend une dimension plus moralisatrice. Ainsi, dans le triptyque d’Augustus ‘’Egg Passé et présent’’, des enfants regardent la Lune en priant pour leur mère prostituée, tandis que la mère indigne se lamente à la clarté de l’astre nocturne depuis le pont de Westminster. D’autres, artistes ont été sensibles à la dimension érotique de la Lune. Le peintre Edvard Munch, qui consacra une grande partie de son œuvre à dépeindre l’amour physique et le désir sexuel, évoque trois étapes d’une relation amoureuse – la rencontre, la consommation et la séparation- dans une série de toiles intitulées ‘’La Frise de la Vie.’’

Source :
La Lune; Mystères et Sortilèges, par Édouard Brasey
Éditions du Chêne

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